Résumer le travail de Claude Parent à l’oblique serait beaucoup trop réducteur ou d’une telle évidence que cela serait trop simple.
Trop réducteur car dans cette affirmation se cache beaucoup d’autres qualités et particularités que ces années de recherches dans l’oblique ont permises de mettre en valeur : le chaos, l’open-limite, la subversion, l’illimité… que Claude Parent n’a cessé de mettre au jour dans son travail d’architecte comme dans ses écrits, ses nombreux dessins et ses réflexions.
Et pourtant une évidence car c’est mondialement que Claude Parent incarne aujourd’hui cette décision devenue fonction. Fonction Oblique.
Dans son projet éditorial, Multiples Un demande à ses invités une force et une radicalité dans leur proposition pour l’édition de ces multiples singuliers. C’est donc avec simplicité et évidence que notre proposition à Claude Parent de faire une oblique infinie s’est imposée. Incarner une idée forte plus que reproduire un simple dessin pouvait tenir dans ce geste radical et iconique.
Ce sera donc une Oblique sans fin, titre générique de tout notre travail commun.
C’est avec joie et amusement (comme toujours chez Claude quand il approuve une idée) que nous avons mis en oeuvre ce projet après en avoir parlé deux bonnes heures. Sur une bande de papier de 140 x 20 cm, Claude Parent a simplement laissé glisser un énorme pinceau à calligraphie gonflé à l’encre de chine suivant un trait oblique dessiné au crayon et à la règle. Une reprise sur une partie de l’oblique pour en épaissir le trait et le travail était terminé.
Et c’est là que tout commença à se compliquer, à s’enrichir d’idées de présentation, de manière d’imprimer, de choisir un papier.
C’est à ce moment aussi que tout prend son ampleur, que les niveaux de lectures se suivent et se bousculent, se contredisent ou se complètent et que tout glisse sur la pente oblique de la pensée de Claude Parent. Et que les idées apparaissent…
Au final 4 propositions vont naître de cette Oblique sans fin, par le simple jeux du remplissage, de la permutation, du basculement, de pivotage, de glissement…
La première, nommée « Artificielle » est une série initiale de 8 multiples sur des formats 20 x 20cm, espacées de 5mm chacunes. Une oblique infinie « artificielle » selon les mots de Claude Parent.
A l’opposé, une deuxième série de 8 multiples nommées « Naturelle » va naître du simple remplissage des espaces blancs inférieurs de l’oblique. Toujours sur des formats 20 x 20cm, ces multiples sont proposés de manières indépendantes mais avec la possibilité d’être aussi vu dans son ensemble avec le même espacement de présentation. Seules 3 multiples sur 8 vont être proposés en triptyque. Ainsi apparait pour Claude parent, un paysage naturel oblique.
Une troisième série, intitulée « Meurtrière » est issue de l’accumulation de deux obliques de la série « Naturelle » et la permutation de l’une d’elle pour former un espacement. Espacement redevenu alors artificiel et dont le titre de « Meurtrière » rappelle aussi les réflexions de Claude Parent sur les fenêtres qu’il a en horreur, dont il est difficile de se passer tout de même. Va donc pour « Meurtrière » : c’est très beau !
Enfin, la quatrième série dite « Passerelles » reprend le même principe d’accumulation et de permutation à partir de la série « Artificielle » pour créer des passages. Passages de paysages lointains, de bandes inclinées, de routes, de ponts, de passerelles… Avec cette série, resurgissent toutes les réflexions de Claude Parent sur les flux migratoires.
Comme toutes ces explications le laissent suggérer, c’est une pensée toujours en mouvement qui anime les décisions de Claude Parent. Mais comment pourrait-il en être autrement sur le terrain oblique dans lequel il nous entraîne sans cesse ?
Pensée oblique, réflexions tournoyantes, humour décapent, c’est aussi à un attachement humain auquel Claude Parent se livre. Car les théoriciens ne sont, au final, pas sa tasse de thé. De même que les bâtisseurs aseptisés.
C’est donc avec cette approche de Claude Parent a aussi voulu des multiples où la manufacture manuelle apparaît. Des imperfections, des impuretés dans le tirages, des ratés parfois et voila qu’il s’enthousiasme et les revendique en les signant car, « il faut bien voir la main de l’homme dans tout ça. »
« Et un conseil : apprenez le tricot »
Frédéric Galliano, 2 septembre 2014, Valence, France